Aujourd'hui, comme chaque semaine, j'arrive à la crèche M. Tiens !
Des nouveaux Plico, les mêmes qu'à la crèche I et qu'à P. La
directrice m'explique que la célèbre marque de jouets PK leur offre
des jouets, et qu'avec son petit budget, c'est toujours bon à
prendre, malgré le côté publicitaire. Il est vrai que, déjà,
chaque jeu, tapis, meuble, est estampillé de sa marque : le vélo W,
le tapis X, la barrière Y, jusqu'à la pendule Z qui donne l'heure
du goûter. Les enfants comme les adultes baignent au quotidien dans
un univers de marques, sans parelr des couches vêtements...
Dis l'heure...
A
l'heure où les parents viennent chercher leur enfant, j'assiste aux
rertouvailles... et à la remise du cadeau : un petit sachet
plastique avec quelques Plico pour chaque enfant. « Un cadeau
de PK » La marque est ainsi répétée autant de fois qu'il y a
d'enfant.
Moi,
petite psychologue qui lutte désespérément pour
la perte du doudou et la sauvegarde du manque, je me sens...
anachronique. Le pire, c'est que ce sentiment d'étrangeté
salvateur, j'ai failli ne pas l'avoir. J'ai failli laisser passer
sans rien dire. Heureusement, un père a fait la réflexion : déjà,
la publicité, avant 3 ans ! Ce monsieur vient de monter sa propre
entreprise... de publicité pour les laboratoires pharmaceutiques...
il sait de quoi il parle.
Dis-leur...
Ce monsieur est aussi le père du petit Tom (Electro-CIEN N° ) qui
se faisait mordre. Il voulait exclure l'enfant « mordeur ».
Tom a grandi, il a trois ans. Il a eu de l'eczéma il y a quelques
mois, sa maman a demandé à me parler parce qu'elle n'arrve pas à
lui poser des limites : « Je ne vois pas pouirquoi je lui
dirais non quand je peux lui dire oui. » Tom arbore toutes les
semaines une nouvelle plaie, voire des points au visage : il est
tombé du lit des parents, tombé de vélo, s'est cogné contre un
poteau, au guidon de la moto de son papa... aujourd 'hui, c'est
toute une joue qui est râpée, et il arbore un tee-shirt où est
écrit : « j'aime ma maman » (traduction : je suis un
enfant-objet-consommateur). Castration, quand tu nous manques...
Dis-leur...
Combien de parents vont acheter la boîte de Plico pour compléter le
début de la série ?
Combien d'enfants le demanderont à leurs parents ?
Combien refuseront ? Au nom de quoi ? (Pourquoi dire non quand on
peut dire oui ?)
Combien reçoivent ce qui vient de la crèche comme le modèle du
bien faire avec son enfant ?
L'école du jeu devient l'école de la consommation. Le personnel de
crèche se fait agent de publicité pour PK. A combien s'élèvera le
bénéfice de PK ? Combien de mois, d'années de salaire de celles
qui se coltinent l'urine, la bave, l'excrément, le vomi, le sang,
les larmes, les rires, les sourires, les angoisses, les coups, les
douleurs, les cris... bref, les humeurs de ces petits êtres pas
encore parlant dont on remplit bien vite la tête.
Dit leurre.
Donner un échantillon pour donner envie d'en acheter d'autre, ça ne
vous dit rien ?
Les publicitaires n'ont pas trouvé mieux que les trafiquants de
drogue.
Dis-leur
Non aux dealers.